Lou E. Williams [Terminée]

Notre demoiselle est née en France, parmi des français tout ce qu’il y a de plus français, dans la banlieue de Paris. Née d’une mère Française et d’un père Anglais, elle a hérité des noms à la manière Anglo-saxonne, ce qui la faisait vraiment suer lorsqu’elle était petite. Sa mère, artiste peintre passablement connue dans le milieu a toujours été son modèle. Une femme jeune, souriante, que la vie n’avait pas épargnée sans pour autant la briser complètement. Si bien que, si la jeune fille n’eut pas v écu une petite enfance de luxe et qu’elle est loin d’avoir eu la cuillère en argent dans la bouche, on peut vraisemblablement supposer qu’elle a été heureuse dans une famille normale à cette période de la vie, ayant un train de vie banal et relativement calme. Son père, un employé de bureau venu en France pour poursuivre ses études, était rapidement tombé dans les bras de sa mère, un an à peine après son arrivée sur le territoire. Eblouit par sa liberté, sa manière d’exprimer l’art et son talent, il en était tombée rapidement amoureux pour la demander en mariage quelques mois à peine plus tard. Ce fut un « non » douloureux, suivit de beaucoup d’autres car il s’acharna, mais il finit par avoir gain de cause lorsqu’elle se rendit compte qu’elle attendait un bébé. Les choses se firent précipitamment, on ne voulait pas d’une mariée enceinte jusqu’au cou, et deux mois après cette énième demande, il lui passait la bague au doigt pour le meilleurs et pour le pire.

Inutile de préciser que ce fut pour le pire, aux alentours des cinq ans de Lou qui ne comprit pas pourquoi sa mère partait, l’emmenant avec elle sans un regard en arrière. Ce fut la dernière fois qu’elle put apercevoir son père, mais elle apprit par la suite que sa mère était restée le temps de finaliser les papiers de divorce avant son propre départ vers l’Amérique. Etant une fan inconditionnelle de sa génitrice, on peut supposer que perdre son père ne la chagrina pas, d’autant plus que dès son arrivée sur le continent Américain, elle fut accueilli par un nouveau papa au look un peu bizarre qui l’aveugla de flash dès son arrivée. Drôle, joyeux, intelligent et capable de s’occuper d’une gamine, il la fit rire durant tout le trajet en taxi vers ce que sa maman avait appelé « sa nouvelle maison ». Dès lors la case « géniteur » se vida dans l’esprit de la fillette qui oublia considérablement celui qui avait été son père durant quelques mois, pour se concentrer uniquement vers celui qui serait son nouveau père et lui parlait une autre langue que sa mère, mais qu’elle comprenait parfaitement.

Elle n’apprit qu’au lycée que sa mère avait cessé d’aimer son père dans les mois suivant sa naissance. Ne le supportant plus, il l’agaçait et ne la comblait pas, elle avait demandé une séparation. Il s’était emporté, passant de mari attentionné, aimant, à un époux jaloux qui la suivait à des heures impromptues de la journée pour vérifier qu’elle n’avait rencontré personne d’autre. Utilisant la carte de l’amour maternel pour la garder, il n’avait pas réalisé qu’il la perdait définitivement en se conduisant ainsi. Elle avait demandé le divorce officiel, et était tombée amoureuse de l’un des journalistes américains s’occupant de l’affaire. Quelques mois plus tard, elle partait après avoir rédigé un contrat à l’amiable, possédant –et de cela Lou n’en est pas sûre, elle n’en a d’ailleurs aucune preuve- quelques affaires compromettantes envers son ex-époux s’il avait essayé de la retenir. Inutile de préciser qu’elle s’en était bien sorti, et que le nouveau papa de la jeune femme était le photographe rencontré à l’aéroport.

Ce fut également ce nouveau papa qui lui apprit à se servir d’un appareil photo, et à développer les photos, alors qu’elle n’avait pas dix ans. Se découvrant une véritable passion pour le monde envoûtant des images colorées figées dans le papier dans une attitude si vivante, elle choisit également d’en faire son sujet d’étude s’inscrivant dans cette filière à son entrée en Fac, et décidant également de continuer à pratiquer le français de manière à peut-être retourner en France un jour, histoire de prendre la Tour Eiffel en photo, aussi.

Elle est heureuse, et vit chez ses parents, ou plutôt dans une espèce d’appartement mitoyen au leur, ce qui lui permet d’aller sur le campus en voiture tous les matins –elle a le permis- tout en n’appartenant à aucune des confréries, et en évitant de les embêter lorsqu’elle ramène des amis plus ou moins nombreux.

Oh, et bien, si je dois parler de mon caractère, j’imagine que je n’ai pas d’autre choix que de compter mes innombrables qualités, et son triple de défauts… Je ne suis pas folle, pas trop, ni égocentrique, à vrai dire je ne m’intéresse pas forcément aux autres mais sans m’apitoyer sur mon propre sort, et je ne suis ni narcissique, ni trop égoïste pour partager, et encore moins imbue de ma personne, ne m’intéressant pas vraiment à tout ce qui touche à mon propre physique. Je choisis en fonction de ce que j’aime, et tant pis si ça ne me va pas ! Des fois l’effet est bizarre, je vous l’accorde, mais si vous aviez le choix entre prendre la photographie d’un garçon populaire particulièrement attirant, ce qui n’arrive pas tous les jours, et cinq minutes devant la glace histoire d’essayer de ressembler à quelque chose, vous choisiriez quoi ? Et bien, moi, je l’avoue sans aucune honte, je prends le garçon, quitte à lui faire peur, et j’essaye d’arriver en avance pour arriver à l’essayage du costume qu’il a choisi ! C’est sans doute l’une de mes qualités, ça, un franc-parler à toute épreuve. Et un défaut, aussi, parce qu’en général ça me retombe dessus. Mais bon, j’essaye de travailler sur un silence obligatoire dans certaines conditions, histoire de ne pas me retrouver avec un cocard pour cause d’avoir malencontreusement –ou non- insulté quelqu’un d’important.
Bon, j’avoue que je ne prends pas particulièrement soin de mon physique parce que je sais que mine de rien je ne suis pas trop mal foutue. Et même avec un pinceau dans les cheveux pour les attacher, ou bien un tee-shirt délavé –bon, je ne vais pas non plus dans les horreurs, et je sais qu’une robe ça se met pas avec pantalon, moi pas débile non plus- on continue à me regarder, ce qui est assez agréable, tout en me permettant de tirer des portraits de personnes aux visages et expressions différentes.
Je n’ai pas un visage qui attire la haine, en général, on me respecte, ou alors on me snobe, après tout, je ne suis pas suffisamment puissante pour me permettre de massacrer la réputation de quelqu’un, et je ne fraye pas avec ceux qu’il ne faut en aucun approcher sous peine de finir dans une boîte plus ou moins longue. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé de ne rejoindre aucune des confréries. Pas parce que je ne me sens pas l’âme d’avoir des potes qui vivent avec moi H24… -quoi que, je crois que ça m’énerverait d’avoir des « frères et des sœurs » vivons en paix, la vie est belle et on peut tous s’envoyer en l’air dans nos grandes baraques…- mais plutôt par soucis de survie. J’apprécie ma vie comme elle est, et les rivalités entre confréries ne me concernent aucunement, si bien que le terrain neutre me convient parfaitement ! Et puis, la neutralité offre pleins de supers trucs, comme ça je peux parler avec tout le monde sans qu’on se mette à m’envoyer des insultes à la figure parce que je ne partage pas les mêmes idées…
Donc, je suis courageuse, mais pas suicidaire, consciente des limites, mais également incapable de me retenir dans certaines situations, je privilégie ma liberté et mon travail avec les photos à tout le reste, et je m’en contre-fous de ce qui peut bien traverser les esprits des gens qui m’entourent tant qu’ils m’offrent leurs beaux visages à afficher sur un mur de manière à présenter dans leur meilleur élément les plus beaux élèves de cette école. Parce que oui, je vis pour la photo, de la photo, et il n’est pas rare de me voir quitter ma maison pour prendre des clichés de la ville endormie à une heure tout à fait indécente, de manière à immortaliser les moments d’une vie que je considère comme étant déjà bien trop courte. Ma mère m’a appris à vivre au jour le jour, et tous les instants qui se présentent à moi. Je garde donc en permanence un appareil de photographe professionnel à la main, plus un autre, plus petit et moins puissant, mais moins imposant à transporter. Les seuls instants où j’accepte de m’en séparer, c’est lors des fêtes auxquelles il m’arrive d’être conviée, en général je prends deux ou trois dizaines de photos, puis je ramène mon appareil à la voiture pour qu’il ne soit pas abîmé. J’ai compris une chose depuis longtemps ; ne fait ne crasse à personne, et personne ne t’en fera, ne frappe personne, et personne ne te frappera, soit innocente, gentille, franche et invisible, et là tu t’en sortiras comme il le faut ; en un seul et unique morceau.
Enfin, il est tout de même important de préciser deux trois trucs qui font partie de mon quotidien et m’empêche de me faire mal voir. Déjà, si je suis douée d’un esprit critique de par mon statut d’artiste, que j’ai la langue bien pendue et tendance à envoyer des pics, même gentils, à ceux qui m’entourent, lorsque j’insulte quelqu’un, je ne le fais qu’en français. Comme ça je peux lâcher mes nerfs sans qu’on ne me comprenne, et en ayant la certitude que cela ne me tombera pas dessus. Après tout, je maîtrise cette langue depuis ma petite enfance, la parle, l’écrit et la chante –je ne chante pas si mal d’ailleurs- et cela m’apporte des points en plus aux examens puisque j’ai pris cette option. Ensuite, je ne frappe jamais plus fort que moi ; donc je ne frappe personne car j’ai vaguement la force d’une mouche, mais je baisse difficilement les yeux en revanche. Si mon sourire est parfois faux, c’est aussi bien pour me protéger des autres que pour dissimuler mes états d’âme, je n’aiderais jamais quelqu’un en danger, en revanche, je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est mal ce que je fais là, ou ce que font les autres. Comme tout être humain normalement constitué, j’aime regarder, mais pas agir !
Je me dissimule derrière une âme d’innocente, me défends de quelques critiques dites sur une ton badin, ou dans un rire cristallin, mais je me contente de cacher mon jeu pour mieux prendre des photos, et préserver la tranquille fragilité de mon environnement immédiat contre ceux qui l’entourent et pourraient lui vouloir du mal. C’est lâche, mais c’est ainsi, blasée des autres, je ne suis pas ce que je semble être, mais ça ne m’empêche pas de ressembler à la douce jeune fille innocente et légèrement maladroite que les autres peuvent voir sur le masque que je me suis forgée…

Ce pourrait être rapide. Je fais un mètre soixante, cinquante kilos, je suis svelte, brune, j’ai des yeux verts et je suis assez jolie mais dans le genre beauté naturelle un peu décalée et complètement effacée. Pas de formes de bimbo, pas un seul kilo en trop, et un sourire sur mon visage légèrement bronzé par le soleil, en permanence.
Mais ça serait trop simple. Comme pour un pâtissier de dire qu’il va faire un « Baba au Rhum » sans la recette, si vous voyez ce que je veux vous dire, parce qu’un Baba au Rhum ça peut être présenté différemment, mais au final ça toujours le même goût, la même saveur, et ça n’est que le moi-profond et le pourquoi du comment je suis comme ça que vous voulez connaître, non ? Bon, bah déjà, j’aime la bouffe, mais ça ne se voit pas sur mon corps parce que je fais suffisamment de sport pour éviter de laisser une seule once de graisse sur mon physique d’athlète –oui j’exagère, mais passons, ça fait jamais de mal de se faire mousser un peu- et les traques à la photo qui me vaudra une place dans un magazine reconnu ne sont pas de tout repos. Pour dire, il m’est déjà arrivé de me retrouver à faire un entraînement des gymnastes du lycée d’à côté parce que j’avais voulu prendre des photos sans autorisation, et qu’en idiote finie je m’étais faite avoir.
Mon corps étant d’un banal, je vous évite la corvée de devoir le décrire sous tous les angles, en revanche on peut passer au visage. Lequel est passablement joli d’ailleurs ; ovale, bronzé et surplombant ma gorge qui n’est pas si mal, on peut dire sans problème que je ne souffre d’aucun souci. Ma peau quant à elle est parfaitement lisse, et dénuée d’impuretés qui pourraient signer mon arrêt de mort dans ce monde superficiel. Ouff, un bon point déjà.
J’ai des yeux d’un vert sombre peu lumineux, ils ne sont ni mystérieux, ni rieurs, ni sincères, ils sont là pour voir et pis basta, d’ailleurs je me contente d’une pointe de mascara pour ressembler à quelque chose, dans ma voiture, quand je suis à un feu rouge en général ce qui explique les loupés. Quant à mes lèvres, elles sont d’un banal, roses, comme la plupart des gens, et délicatement incurvées en forme de cœur pour leur donner un aspect féminin qui ne me fait pas de mal. J’ai un nez, ma foi, assez petit, mais que voulez-vous dire d’intéressant sur un nez ? Aurais-je été Cyrano que ça aurait été intéressant, mais là il se contente d’être là et de ne pas me faire ressembler à un monstre, ce qui est plutôt agréable, à mon humble avis. Bon, ma vraie fierté se trouve dans mes cheveux, bruns, épais et soyeux, ils sont délicatement ondulées et particulièrement faciles à coiffer, un truc dedans pour les retenir, et hop, on est sûr que ça fait la journée ! J’adore les laisser libres d’ailleurs, mais pour me concentrer quand je prends un cliché, il est beaucoup plus facile pour moi de les attacher, donc on voit souvent à la manière dont je suis coiffée ce que je suis en train de faire.
Non, il n’y a rien d’exceptionnel dans mon physique, rien qui me fait sortir du lot, encore moins de choses qui puissent attiser les passions, soulever des foules, ou me faire devenir reine de beauté du jour au lendemain. Mais je sais percevoir le beau dans toute chose, mon côté artiste qui ressort, et même chez moi il y a possibilité de trouver ce qui me fait briller, ou devenir invisible, contraindre les gens à m’ignorer, ou cacher mes sarcasmes… Mon sourire. Simple et discret, lorsque je suis réellement heureuse il peut devenir lumineux et on m’a déjà dit qu’il était contaminant. J’ai des dents blanches, droites, parfaites comme pour les stars de cinéma, et lorsque la joie de vivre m’anime –la plupart du temps devant un objectif- il est difficile de me faire redescendre.
Pourtant, ce sourire je m’en sers pour cacher ce qui m’anime réellement, face à une personne qui m’énerve, je plaide l’innocence, mais je cherche, quelqu’un qui me hait, je lui sers le sourire contrit… Etc. un moyen de défense efficace puisque personne n’est venu voir ce que je pouvais bien trafiquer dans mon coin, en plusieurs années, et que l’on ne m’embête pas, même si je cherche à obtenir une chose dérangeante. La plupart du temps, un sourire –je n’en ai pas honte et je m’assume totalement- et j’obtiens gain de cause, ou une fuite précipitée et sans trop de problèmes dans le pire des cas.
Je ne cherche pas à me mettre en avant, je ne dis pas ce que je pense tout bas à n’importe qui, mais je n’hésite pas à formuler mon avis en me dissimulant derrière cette personnalité créée de toute pièce pour ne pas trop attirer l’attention non plus.